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vendredi 12 août 2022

Chiens Unsu BMB TAF Saint-Jean de Védas 5 novembre 2021

 Cela fait deux ans que le Mosh Fest de Montpellier n'a pas pu se tenir à cause de la pandémie. Mais son public local est toujours là, et il a faim. Reconstituer l'esprit de ce festival extrême et sans prétentions le temps d'une brève soirée était une excellente initiative. En plus, ça nous réchauffera au moment où les températures descendent en flèche. 


L'assistance pouvait se résumer à une réunion des habitués du secteur, relativement limitée au vu de la grande cohérence de l'affiche qui ne ratissait pas dans les publics voisins du Grindcore pur et dur. Mais il s'agit de vivre une passion, pas de gonfler les marges. À l'intérieur, la salle était toujours ornée d'une décoration d'Halloween.


Les Black Mountain Bastards (BMB) descendaient de Mazamet, ainsi que leur nom y fait allusion. On les voit assez souvent maintenant entre Toulouse et Montpellier. Comme souvent ici, il a fallu attendre qu'ils aient atteint la moitié du premier morceau et son intro de série télé ringarde et incongrue pour que les gens restés dans la cour se réveillent et viennent dans la salle. Les Tarnais envoient un Punk Hardcore old-school teinté de Thrash, bref du Crossover taillé pour le Mosh. Oh, le son était assez mauvais et le chant faiblard, mais ce n'était pas très grave. Le tempo triple galop était coupé de plans plus ralentis comme il se doit, voire d'une intro à la basse slappée donnant une saveur déjantée assez inattendue dans ce style. Les annonces étaient généralement faites par le guitariste, qui parlait aussi vite que sa musique, tellement vite que j'ai loupé les trois quarts de ce qu'il disait lui aussi. La sauce a pris à mesure, les moshers frustrés ayant beaucoup d'énergie à donner sur un set basique mais fait pour eux. Une reprise de Toxic Holocaust pied au plancher en avant-dernière position ne pouvait que les satisfaire. On ne le savait pas encore, mais ce fut le set le plus long de la soirée.


Les Lillois d'UNSU étaient déjà venus ici en festival. Avec eux on basculait dans le Grind pur et moderne, de haut niveau : des titres brefs, hargneux et résolus, faits pour être enchaînés. C'est la batterie qui permet d'atteindre cette rigueur, cette précision sans laquelle les trois autres ne pourraient pas sembler si tranchants. Le son, cette fois, était bon, et même savoureusement plus compact que l'option HM2-adorateurs de Nasum des quelques morceaux en version studio que je connais. Pour ne pas perdre le temps des confinements, ils ont justement écrit de nouveaux titres, nous en avons eu six qui n'ont pas montré la moindre déviance artistique ou commerciale… On dirait que le nouveau chanteur est là depuis toujours et sa prestation était impeccable. Dans ce pilonnage, il y avait quelques passages plus ralentis, surtout destinés à égayer les Moshers qui n'ont pas fini d'évacuer des mois de frustration en pogotant ou tournant en circle-pit autour du pilier au milieu de la salle, qui leur avait manqué. La prestation fut brève, j'en aurais bien pris un quart d'heure de plus, mais c'est la loi du genre.


CHIENS était attendu de pied ferme par les fans locaux, la meute n'ayant jamais été au programme du Mosh Fest. Et nous avons compris pourquoi ils sont considérés comme le meilleur combo de la jeune génération du Grindcore Français. Ils en envoient du violent, sans concessions à aucun style voisin ni pas de côté vers quelque croisement accepté dans le milieu pour se rendre plus digeste à l'oreille. Même les échantillons servant d'intro dans les versions studio ont été amputés. La très grande vitesse du répertoire va avec de fréquents changements de riffs, y compris au sein des morceaux alors qu'ils ne dépassent guère souvent la minute. Si le magma des moshers n'en avait peut-être cure, tout occupés qu'ils étaient à faire des paquitos rapidement disloqués dans des pogos enragés, on constatait avec un minimum d'attention la très grande qualité d'une musique réellement extrême et intense. Le batteur en remontre aux professionnels du Death brutal, encore mieux que celui d'Unsu. Le chanteur chauve et tatoué jusque sur son crâne, délesté de ses extensions auriculaires le temps du set, exprime une colère bourrue en accord avec son attitude aimable mais réservée lorsqu'il veut communiquer entre les morceaux. Son retour a été renversé je ne sais combien de fois par la fosse sans que cela ne semble le gêner. Vingt-cinq minutes à ce régime suffirent presque à tout vaporiser. Ils consentirent en rappel à rejouer quelques-uns des premiers titres, mais Même avec cela je ne crois pas qu'on ait atteint la demi-heure. Le meilleur Grindcore n'a pas besoin d'étaler pour convaincre.


On aurait décidément aimé prolonger par un groupe de plus, c'est sans doute pour ça que j'ai rêvé quelques heures plus tard que j'y étais encore. Play fast or die !


Unspkble Rank Black Sheep Montpellier 9 décembre 2021

 Avant que n'entrent en vigueur les nouvelles prouesses d'imaginations réglementaires élucubrées au gré des vagues épidémiques, il y avait une affiche de Post-Punk prometteuse annoncée dans la cave de ce cher vieux Black Sheep, en guise de probable dernier concert de l'année de toute façon. On en aura accumulé des souvenirs, à cette adresse, au fil des ans. Autre signe des temps, l'entrée était contrôlée et le port du masque en intérieur attentivement surveillé de crainte d'un contrôle. Peut-être était-ce la raison pour laquelle je ne trouvais pas l'affluence énorme, ou bien était-ce en raison de ce que le groupe local s'est produite récemment à un jet de pierre de là ?


En tout cas dans la cave, les remixes et titres récents de New Order servant de musique d'attente étaient bien en accord avec le programme. Effectivement l'affluence n'était pas débordante, mais finalement correcte pour cette première date d'une mini tournée de trois jours sous une affiche promotionnelle un peu étrange.


Je ne connaissais pas du tout RANK, quartet Lyonnais d'âge plutôt mûr qui compte même Michel Onfray à l'une des guitares (ou alors il lui ressemble vraiment beaucoup) et qui vient promouvoir un nouvel album. Après un premier titre en français qui permit surtout de parfaire la mise en place, ils posèrent un propos limpide et efficace. Leur Post-Punk est rapide, avec une basse nerveuse sous la main du chanteur métis au timbre élevé mais légèrement moins agressif que la musique, qui apporte là une nuance par rapport à des groupes comme Rendez-Vous, Frustration ou Spectres auxquels on pense immanquablement tandis que le corps se laisse aller à danser la gigue. Surtout, chaque titre avait son effet le distinguant des autres : riff plus gros que la moyenne, titre en trio, ou le plus souvent un effet avec le clavier que l'autre guitariste finit par privilégier. Ils parviennent ainsi à apporter de l'émotion à ce défoulement sanguin sur rythme ternaire au grand trot assuré par le batteur. Par contre, un autre titre dans la langue de Sardou me conforta dans l'idée que cette langue n'est pas faite pour ce style. 

Sans partir en pogo le public bougeait bien. Pour un dernier titre apparent, le guitariste à l'allure de philosophe engagé prit à son tour un (tout petit) clavier et passa devant la scène pour diriger un break puis l'arrêt du morceau. Un rappel fut consenti où l'autre guitariste s'offrit un petit slam si j'ai bien vu. Rank est convaincant.


UNSPKBLE est une création du gérant du label Rejuvenation Records, que la pandémie n'a pas mis à terre car depuis la libération des concerts le groupe se produit beaucoup en promotion de son premier EP. En formation quartet également, comprenant deux autres membres actifs de la scène, le groupe propose une autre version du Post-Punk, légèrement moins sèche, qui rétrograde les vitesses selon les titres pour rechercher des ambiances un peu plus malaisantes, reconstituant le moment du début de la mutation vers le rock Gothique. Comme le nom du groupe l'indique, l'inspiration majeure est évidemment le Killing Joke des quatre premiers albums. L'un des atouts du groupe est son chanteur, qui est – je crois – Anglais natif installé depuis très longtemps en France et qui apporte une fluidité et une authenticité dans sa langue d'origine extrêmement appréciable, qui va certainement dérouter des critiques à l'avenir. Surtout que le contraste est grand avec son expression en français plutôt truculente entre les titres, où l'on capte des intonations méridionales. Le bassiste fondateur qui aidait aux chœurs aimant lui aussi s'exprimer, cela fait d'Unspkble un groupe très communicatif. L'un des titres fut donné en hommage à Anna von Hausswolf après les événements affligeants que l'on sait (ou plutôt, fut envoyé à la figure de ses contempteurs). Le set comprenait des titres non encore enregistrés mais ne déviant pas du cap de départ (c'était nécessaire pour tenir aussi longtemps avec une discographie si mince encore). Les deux derniers morceaux suggéraient encore plus fortement le Jaz Coleman band, jusque dans des tics de composition. En rappel, deux autres titres encore furent donnés, sensiblement plus courts que tous les autres.


En remontant de la cave au bar après un détour et quelques saluts je me creusais la tête pour rechercher quelles autres influences précises pouvaient ressortir chez Unspkble. Vainement. Ou peut-être aurai-je une illumination la prochaine fois. Même sans tenir compte des nouvelles restrictions, c'était probablement le dernier concert d'une année tronquée. Mais elle s'est quand même terminée mieux qu'elle n'avait commencé. Pourvu que les rendez-vous soient maintenus en l'an 2022 !


Anna von Hausswolf Saints-François Montpellier 5 décembre 2021

En principe je n'aurai pas dû être là ce soir mais à un autre concert loin de Montpellier, qui a été hélas repoussé comme presque toutes les tournées internationales dernièrement. Ayant été averti à temps, j'ai pu me jeter sur l'un des derniers billets à la vente pour cette soirée un peu particulière qui finit complète. Cette tournée ne comptait que quatre dates en France, c'était la seule dans le Midi et l'on était encore loin de se douter de la suite.


Il est courant que pendant l'Avent les paroisses organisent des soirées spirituelles, voire des concerts, mais il est moins fréquent que ce soit pour des affiches pareilles. Ici, les Saints-François est une petite église contemporaine construite dans les années 90, à la place d'une autre datant du XIXe siècle qui s'effondrait allègrement. Ce n'est qu'en 2012 qu'on y a installé un orgue de type ibérique, rare en France. Une association d'amateurs organise quelques concerts chaque année en collaboration avec d'autres… dont celle qui a fait le lien avec cette tournée d'Anna von Hausswolff. J'avais déjà vu l'artiste Suédoise en première partie des Swans (l'un de mes premiers reports pour Metalnews) dans un exercice très différent, où elle mêlait Drone, Industriel, Néofolk martiale, guitare torturée et Heavenly Voices à fond les potards. Mais cette tournée-ci était consacrée à son instrument de prédilection.


L'intérieur de l'église, avec sa voûte métallique asymétrique assez haute en proportion, baignait dans une lumière rouge tandis que plusieurs rangs de lumignons étaient posés sur les marches du chœur. Le public assis qui papotait par chuchotements (on est dans un lieu de culte…) était hétéroclite : gothiques sur le retour, retraités amateurs d'orgue, jeunes fans de Black pointus, couples friands de néoclassique, et surtout pas mal de gens venus de loin. Cependant, les bancs restaient tournés vers l'autel et non vers l'orgue sur la façade de droite, ce qui obligera à rechercher une place dans l'axe de l'instrument, près de la table de mixage, et à se contorsionner pour se tourner vers les tuyaux.


À l'heure annoncée, les membres des deux associations organisatrices dirent quelques mots en se remerciant mutuellement et en mentionnant la paroisse. On était bien loin de ce qui se tramait à Nantes où d'autres associations de fidèles catholiques tradis ont obtenu successivement de faire déplacer un concert "sataniste" dans une autre église, puis de le faire annuler au dernier moment en bloquant l'accès !!!


ANNA VON HAUSSWOLFF sortit de la sacristie avec deux acolytes, sous les applaudissements, et y retourna aussitôt pour chercher ses partitions qu'elle avait oubliée. Toujours dans la lumière écarlate, les trois musiciens manipulèrent quelques registres puis l'instrument entonna de puissantes notes longues en harmonie, invitant à une lente immersion dans une introduction qui s'avéra bien trop longue pour en être une, puisque cette coulée sonore déboucha sur quelques mesures plus rapides et mélodiques en fin de morceau seulement. Ce soir Anna servait clairement du Drone, de l'Ambient puissante et sombre, oppressante et austère. L'antidote complet par rapport à mon concert précédent. Comme dans un concert classique, il n'y eut aucun applaudissement entre les morceaux.

Les pièces furent jouées tantôt à deux, tantôt à trois. Sur un schéma de composition régulier, une certaine variété ressortait selon les tons, la présence de couches jouées plus rapidement, et surtout par les bruitages, grésillements ou discrètes boucles rythmiques lentement répandue par les quatre enceintes placées aux coins de la nef. En fait, les deux grands chauves installés au mixage participaient activement à l'ensemble avec ordis à samples, pédales et table hérissée de potards. Un micro placé au centre devant eux et les casques de retours mis par les musiciens à l'orgue sur certains morceaux montraient que la performance était vissée à fond à tous les postes. Le petit instant de panique d'Anna lorsqu'un registre modifié entre deux morceaux laissa échapper une note aiguë dans les tuyaux était assez drôle. Le show était intégralement acoustique, sans aucune parole susceptible d'exprimer le commencement d'une idée pouvant peut-être s'interpréter comme irrespectueuse du lieu. C'est presque dommage, car Anna a d'excellentes capacités vocales, mais on ne peut pas être à la fois à l'orgue et au chant.


Cette ambiance solennelle, la lumière rouge martien dans une église moderne et la puissance de l'orgue emmenaient dans un sentiment de malaise diffus, proche des moments de flottement préparatoire d'un bon film d'épouvante, ou invitant à la méditation mystique indicible selon les penchants de l'auditeur. Les attitudes du public étaient diverses : des couples étaient enlacés les yeux clos comme de faux dormeurs, des passionnés scrutaient l'orgue tant qu'ils pouvaient, d'autres regardaient leurs pieds l'air grave ou vers le haut plafond, enfin certains exprimaient à voix haute leur profond ennui pendant les pauses (je ne comprends pas comment on peut mettre trente pions dans un concert pour dire cela, sans connaître ni avoir essayé avant surtout…). Pour ma part je me suis coulé sans difficulté dans ce set très contrôlé. Il est vrai qu'en fermant les paupières cela prenait encore une autre intensité, bien que l'atmosphère créée, déjà bien spéciale, me convenait mieux. Se présenta alors un titre construit sur un motif rapide en trois notes assez irritant au bout d'un moment, mais qui finissait par se fondre vers quelque chose de plus apaisé. Vous connaissez l'adage : quand un bruit vous agace, écoutez-le ! Après un final grave et puissant, les musiciens se placèrent devant le chœur pour saluer longuement sous de chauds applaudissements. Malgré un second salut, il n'y eut pas de rappel, ce qui était prévisible au bout d'une heure aussi exigeante. Les plus grands fans pouvaient retrouver l'artiste à la sortie, qui avait un petit stand de merch' à côté des ventes de Noël de la paroisse.


Je suis reparti assez vite après avoir salué quelques connaissances, il était encore tôt et j'ai voulu profiter de ce qu'on pouvait finalement avoir encore une bonne soirée à la maison. J'ignorais encore que la sérénité qui a caractérisé cette soirée était un privilège.


Ce report est dédié à tous les gens qui devaient assister aux concerts de Nantes et Paris et qui en ont été privés pour de fausses raisons.


Igorrr Horskh Paloma Nîmes 2 décembre 2021

De nouvelles restrictions étant parfaitement envisageables à portée de vue, il faut profiter des concerts avant Noël. D'ailleurs, je n'avais pas encore renoué avec la sensation de s'exporter un peu pour une affiche motivante, qui fait partie intégrante de la vie du concertophile. Cette tournée d'Igorrr a été repoussée deux fois et je me suis décidé dans les derniers jours, quand c'était complet. Et puis l'avant-veille, quelques places ont été remises en vente, pour le bonheur des retardataires vigilants. En avant donc pour le court déplacement vers Nîmes.


Le grand parking de la SMAC municipale Paloma était très froid mais copieusement rempli. Cela s'expliquait, quand on était rentré, par une double programmation : il y avait de la Trap neurasthénique dans la grande salle. La petite red room étant bien configurée, pas de regrets. Par contre, on aurait mieux fait de ne pas oublier son argent dans la voiture… Dans le long couloir de desserte tout jaune, seul notre concert à nous proposait du merch, tandis que dans la cour les deux publics se mêlaient un peu.


Nous avions déjà vu HORSKH en première partie des Young Gods il y a quelques années dans un inoubliable show en plein air peu imaginable ce soir. Et c'était au moins à moitié en souvenir du tampon qu'ils m'avaient mis que je voulais être là. Pourtant, j'avais entendu dire que l'album qui s'est ajouté entretemps à leur discographie amorçait une évolution. Et, de fait, la présentation et les compos ont évolués. Après une intro calme qui ne visait évidemment qu'à amplifier le coup des premières notes à fort volume comme il faut, on constatait que la base duo batterie – chant et programmation s'est étoffée d'un troisième membre qui appuie essentiellement les parties instrumentales, mais parfois aussi le chant ou la guitare. La bonne vieille gratte qui vient parfois épaissir certains morceaux sans écraser le mix. Les nouveaux morceaux n'ont pas modifié le son du groupe mais sont moins directs, brisant les montées pour créer des frustrations un peu sadiques pour l'auditeur un peu à la manière du Breakcore cher à la tête d'affiche. Cela rapproche encore plus nettement le travail des Bisontins de celui de Skinny Puppy, Numb ou de Youth Code plus récemment, inspirations déjà claires auparavant. Leur musique tente à présent de s'adresser aussi au cerveau, mais cela n'empêche pas les auditeurs de danser sur un propos encore bien dur et physique. Détail parlant : le chant réverbère mais évite astucieusement d'être aussi distordu que dans la pure Dark-Electro.

Visuellement, la lumière rouge est toujours très présente et le spectacle est assuré par la présence énergique d'un chanteur qui est partout à la fois et quelques mises en scène comme ce bref instrumental martial en trio aux batteries physiques et synthétiques. Le léger maquillage accentue encore l'hommage à SP. À mesure que le set avance, quelques titres plus anciens ou plus directs ont permis d'atteindre pleinement le défoulement attendu et de se dire que la soirée était gagnée quoiqu'il arrive. Cette Electro-Indus agressive, un peu métallisée, plus fine et plus traditionnelle, va certainement mieux passer l'épreuve du temps que la Dance saturée pour cybergothiques.


L'interlude était meublé par des sonates au piano seul, normalement incongrues mais préparant les esprits à l'option néoclassique qui allait suivre.


IGORRR est d'abord le projet de Gautier Serre, qui vient du Breakcore. Ce fait est confirmé par l'entrée en scène : le fondateur monte seul sur une estrade centrale au second plan et entame le set par un morceau à la Venetian Snares, avant que ne le rejoignent les autres membres d'un groupe largement renouvelé tout récemment. Sylvain Bouvier de Trepalium est resté à sa batterie sur la droite et un nouveau guitariste est arrivé. Surtout, Jean-Baptiste Le Bail – que nous avions vus il y a quelques semaines avec Svart Crown – prenait le chant en premier avec son growl et sa dégaine de beumeu à warpaint spectaculaire tout de voir vêtu. Il sera rejoint peu après par la nouvelle soprano, toute menue, qui fera sans cesse des allers-retours avec les coulisses pour changer de costume ou prendre un accessoire dès que ses parties étaient terminées. Parfois, Gautier lui-même prenait une guitare pour appuyer certains riffs depuis son perchoir.

Igorrr se construit sur les paradoxes et les enchaînements surprenants. Les morceaux nous ballottent sans cesse de gros passages Death adipeux à quelques instants de grâce baroque à la Klaus Nomi, en passant par des ponts Breakcore, des samples invraisemblables mais soigneusement pensés, ou des passages épiques empruntés au Black. Il est impossible de s'installer longtemps dans une émotion, cela est même le cœur de l'expérience. C'est aussi éprouvant que du Metal plus extrême, au fond, mais pour une raison presque inverse. On ne peut pas tout décrire dans ce voyage à la Lewis Carroll passant par l'Arabie, France Musique, le Flamenco que tout bon Sudiste se doit d'aimer, l'asile de fous et tant d'autres lieux. Mais le sommet revient à mon avis à ce riff bien Norvégien de fin de morceau à peine installé pour être repris à la flûte scolaire ! Il y avait de nombreux fans qui prenaient leur pied dans la fosse ou en reprenant les paroles. Au milieu de tout ça, le titre porté par la chanteuse Grecque quasiment seule en milieu de set a apporté un moment de recueillement appréciable.

Parlons d'elle, justement. Pour quelqu'un qui vient d'arriver sa performance m'a paru remarquable, notamment sur ce morceau mais aussi par toute l'énergie physique contrôlée qu'elle a mis dans ce set, son aisance tant dans le chant que dans la mise en scène par ses costumes (j'ai surtout aimé la cape Mayhemesque muant peu à peu en accessoire léger) ou par ses accessoires (le crâne Hamletien ou le squelette porté comme un bébé). J'ignore son parcours antérieur dans le chant classique, mais on pourrait lui proposer un CDI. Au-delà des pompes, l'aspect opératique est visible aussi dans ses parties partagées avec J.-B. Le Bail, qui se mettent en scène pour chanter ensemble ou alterner, dans un répertoire beaucoup moins guindé que le format "la belle et la bête" cher à un certain public d'outre-Rhin. Enfin la présence de Sylvain Bouvier n'est pas seulement un gage donné aux orthodoxes qui ne conçoivent pas de Metal sans batterie, il apporte de la complexité et de l'intensité aux rythmes, et bien entendu un toucher qui contribue au lien entre la part la plus humaine de ce Metal déjanté, et le cisèlement raffiné des programmations.

Au bout d'une heure à ce régime déstabilisant mais vivifiant, un premier départ du groupe provoqua un rappel par un de ces titres de musette écartelée que je n'apprécie pas trop, mais qui permit aux premiers rangs et aux musiciens de dansotter quelques instants. Après un ultime salut, ces derniers laissèrent Gautier Serre, le patron, seul à nouveau, pour un final uniquement Breakcore qui laissait redescendre tout le monde en l'absence du gros son de la guitare, mais sans vraiment relâcher la tension de folie douce. Au bout de quelques minutes à ce régime revenant aux bases de son entrée dans la musique active, les lumières se rallumèrent. C'est la Marche Funèbre de Chopin sournoisement déversée du plafond qui se chargeait de pousser la cohue vers la sortie dans une atmosphère rafraîchie. Ce n'était rien encore par rapport au mistral nocturne glacial qui soufflait à l'extérieur de la salle !


Honnêtement je ne m'attendais pas à un aussi gros concert, mon faible penchant pour le Metal d'avant-garde ne m'avait pas permis de prendre la mesure du succès d'Igorrr ni de sa contribution. Pour nos derniers concerts de l'année, ce sera moins purement Metal d'ailleurs.


Lofofora Verdun Victoire 2 Saint-Jean de Védas 29 octobre 2021

 Cet automne de reprise est bien meublé grâce à l'offre de l'association What the Fest, qui a déjà organisé plusieurs des derniers concerts où je vous ai amenés depuis la Libération. Ce soir le rendez-vous était à Victoire 2, SMAC gérée par l'Agglomération située dans une zone industrielle et commerciale de la proche banlieue, contre le siège de Midi Libre. Elle programme peu souvent du Metal depuis qu'elle a été rénovée il y a presque vingt ans, alors que c'était très courant jusqu'au début du siècle.


La tête d'affiche a un lien fort avec Montpellier. Reuno y a longtemps habité et revient si régulièrement qu'il a un autre groupe basé sur place (Mudweiser, que nous avions vus ensemble il y a quelques années). C'est même ici, dans cette salle, que Lofofora a capturé une partie de son premier live en 1999 – avant les travaux. Pour autant je n'ai jamais été fan, alors que le groupe a explosé à l'époque où je me mettais au Metal. Je ne les avais même jamais vus jusqu'à ce soir. Mais dans le contexte actuel et avec une première partie appréciée, il était temps de le faire ; en pensant aussi un peu à ceux d'entre vous qui pourraient être intéressés. 


En arrivant légèrement en avance on a pu prendre une des dernières places libres du parking et passer sans encombre les herses successives pour entrer dans la grande salle toute en longueur, semblable autrement à toutes les SMACs de ce genre, et se ruer au bar qui était déjà débordé comme toujours dès qu'il y a un minimum de monde ici. Car Lofofora n'a rien perdu de sa popularité, et des gens étaient venus parfois de loin.


VERDUN formait une première partie décalée, cela se voyait par le petit regroupement devant la scène de fidèles qui les suivent depuis longtemps, tandis que la majorité du public restait d'abord massée plus au fond. Leur présence s'expliquait néanmoins par le fait que le guitariste Jay Pinelli joue avec Reuno dans Mudweiser, et également par la sortie d'un split avec un nouveau titre et une reprise dont on parlera.

Au reste, je n'avais jamais vu Verdun sur une grande scène et le test était intéressant. Le quartet n'était pas impressionné du tout et étala son Sludge Doom lent et poisseux d'abord sans paroles, laissant David Sadok le micro posé par terre déployer ses gestes et grimaces lents devenus un gimmick du groupe avant d'exhaler ses premiers vocaux. Si son registre aigu inscrit bien le propos dans le Doom de la plus ancienne tradition, les riffs de brontosaure et le fuzz de la basse Rickenbacker empruntent autant au Sludge plus moderne, sur des durées assez délayées. Il n'y avait qu'à se laisser porter par une recette goûtée depuis longtemps par les premiers rangs et qui supporte très bien ce format de scène. Au-delà des paroissiens assidus, le peuple derrière se rapprocha progressivement et les acclamations venaient de plus en plus du fond. Et tout à coup arriva cette reprise intrigante du "Dawn of the Angry" de Morbide Angèle, dont le riff imparable se faisait plus élastique sous un tempo légèrement ralenti et sans double, tandis que les vocaux toujours hauts prenaient le contrepied des gutturaux originels de David Vincent. La structure originelle étant néanmoins conservée, les passages rapides du morceau montèrent jusqu'au bref plan en blast inclus, passablement inédit chez Verdun. Un petit signe des coulisses rappelant que le temps passait, le dernier titre fut un original, peut-être un peu déstructuré à mon oreille. 


Je ne sais pas combien de shows LOFOFORA a fait depuis la fin de la prohibition, mais ils étaient contents d'être là et leur nombreux public aussi. La formule du groupe n'a guère évolué depuis les années 90 mais c'est bien ce qu'apprécient les fans. Leur Metal fusion issu des squats fonctionne beaucoup grâce à la personnalité de Reuno, extrêmement empathique, volubile et truculent tant dans ses textes qu'entre deux morceaux, expressif dans sa gestuelle à commencer par ses gros yeux, constamment blagueur… souvent avec succès et parfois maladroitement. C'est une bête de scène et on ne peut y rester insensible, il met ses fans dans le bain et a gagné ainsi leur fort attachement.

Les morceaux s'enchaînèrent. Je n'ai pas reconnu grand-chose, à part le classique "Dur comme fer", mais le style de Lofofora est suffisamment connu pour sembler familier à tout le monde. Cependant comme le rappellent les t-shirts de Reuno et Daniel, il y a du Punk en eux qui a exulté en deux titres à tempo rapide dont l'autre classique "Justice pour tous", qui ont déchaîné sur ordre des pogos que la salle n'avait pas abrité depuis presque deux ans au bas mot, acmé libératrice pour beaucoup. Les slams étaient assez nombreux, la musique y étant plus propice. Et en parcourant l'épais répertoire du groupe, force est d'admettre qu'il y a quelques riffs aussi.

Lofo' a pour caractéristique ses textes en français, fréquemment engagés sur le fond et travaillés sur la forme (…). Ils étaient largement repris mot pour mot par beaucoup de spectateurs. Ce détail illustre à lui seul en quoi ce combo est parfaitement emblématique d'une scène proprement française, qui est restée viscéralement en phase avec la culture populaire nationale préférant la chanson à texte. Leur capacité à rassembler très au-delà des Metalleux, parmi les amateurs de Punk, de Rock francophone voire de chanson alternative, tient à cela. Cette assistance montrait même un état d'esprit différent, auquel je ne suis pour tout dire pas habitué : les uns s'excusaient de vous frôler alors que nous n'étions pas spécialement serrés, les autres slammers que l'on aidait à atterrir prenaient le temps de vous remercier avec affectation… Cette différence culturelle se fit plus cruellement sentir lorsque Reuno, dédicaçant un titre à David Sadok, demanda d'acclamer Verdun. Il ne récolta qu'un petit bide. Ce simple fait en dit très long sur l'isolement persistant du Metal extrême.

Au moment où je commençais à trouver le set un peu long, Reuno annonça le rappel sans que le groupe ne joue la comédie de s'absenter quelques instants, afin de pouvoir jouer plus. Ils nous ont offert notamment un titre inédit et efficace qui a remporté un succès certain. Les fans, après avoir communié une dernière fois quelques instants quand les instruments étaient posés, se retirèrent en bon ordre et satisfaits.

Les courbatures ramenées prouvaient que malgré les réserves apparentes j'avais, moi aussi passé un bon moment en plus d'aller me coucher moins bête. Et c'est toujours ça de pris en attendant un hiver incertain.


Fange Pilori Skullstorm TAF Saint Jean de Védas 22 octobre 2021

 Si les concerts internationaux ne reprennent qu'au ralenti, c'est maintenant que nous pouvons nous féliciter que la France ait su accoucher au fil du temps d'une scène solide. Ce soir, on devait même carrément en prendre plein la tête. Il était néanmoins évident qu'il n'y aurait évidemment pas beaucoup de monde, une grosse quarantaine de téméraires amateurs de Crust en général et de musique atteinte en particulier. Nous étions déjà revenus à la Secret Place depuis la Libération décrétée cet été, mais ils ont complètement changé la carte des bières qui sont dorénavant servies en verres, rompant d'antiques habitudes ce qui vaudra peut-être un macaron de plus au prochain Michelin.


Les Sétois de Stuntman, qui affrontent à nouveau un changement de personnel semble-t-il, ont dû laisser la place à leurs camarades de SKULLSTORM pour faire le groupe local d'ouverture. Au reste, c'était plus cohérent avec les visiteurs. Rassemblant quatre membres d'autres formations Montpelliéraines, ils ont bombardé à nouveau leur Crust coupé au HardCore chaotique avec la maîtrise de musiciens qui ont accumulé de l'expérience. Le son était parfait, suffisamment clair à tous les postes sans perdre en compacité. Les breaks typiques du HC le plus barré s'emmanchaient avec la rage urgente qui reste la formule de base, et laisse le propos enraciné d'abord vers Cursed plutôt que vers le Converge même le plus enragé. L'attitude explosive du chanteur (familière pour les autochtones) était en accord avec l'âpreté des riffs. Comme on l'avait découvert l'an dernier, Skullstorm est déjà une valeur sûre de la branche la plus intense d'un style pas spécialement ramolli.


Avec les Rouennais de PILORI, premier combo extérieur, l'orientation de la soirée n'a pas beaucoup évolué. Toutefois, le Crust montrait avec eux un visage plus divers, laissant deviner qu'ils écoutaient aussi Napalm Death puisqu'ils introduisaient une inspiration Grind Death rendant leur musique aisément abordable pour un Metalleux extrême lambda, au-delà de l'éclairage rouge à la Slayer. La base Punk n'était pas oubliée. Le son m'a semblé légèrement moins lourd mais il était aussi bon que précédemment. Le chanteur longiligne, malgré sa première apparence de gendre idéal, se jeta un peu partout dans le maigre public comme celui de Skullstorm juste avant (aïe, mon pied !). Il était appuyé par les chœurs secs du bassiste. Je ne connais pas les états de service des membres du groupe mais l'interprétation était pareillement impeccable, proférant une musique extrêmement agressive là où il serait si facile de tomber dans la bouillie. Jusqu'ici, la soirée était d'excellente tenue.


Pendant la pause, on discutait avec le batteur de Verdun de l'actualité du groupe et d'un certain concert de Will Haven avec Fear Factory, il y a plus de vingt ans, qui nous avait tous deux marqués pour des raisons diverses alors que nous ne nous connaissions pas encore.


La rumeur disait bien qu'en deux ans à peine FANGE avait notablement évolué. C'était visible puisque dans la pénombre de la scène en cours de montage il n'y avait que trois membres et une console de samples posée à même le sol du fond de la scène à la place du batteur, condamné à une Spinal Tap définitive. Plaisanterie à part, il y a bien un nouveau style chez les Rennais qui ont servi un Sludge Industriel avançant lentement sur le rythme lancinant de boucles programmées venues de l'arrière. Les basses qui en formaient la structure faisaient un contrepoint intéressant avec la basse instrumentale. L'éclairage se limitait à une succession binaire de grands flashes blancs alternant avec l'obscurité, sur le tempo de la musique, contribuant à l'effet de malaise et de grande noirceur. C'est un peu de même aussi que le chanteur alternait beuglements et lamentations déprimées, sur des paroles en français, titubant fréquemment. La Suze consommait au goulot en cours de set y aidait peut-être un peu. Les riffs, sales et assez vicieux, donnaient un peu de chair à une musique oppressée, l'agressivité ressortant par moments dans les attitudes comme ces crachats vers le public. Et d'un coup on finissait par réaliser que les titres devaient être très longs puisque les pauses étaient très rares.

Ce nouveau répertoire plus Industriel et plus homogène que le millésime 2019 m'a mieux plu. Fange ne se disperse plus parmi des inspirations trop nombreuses qui laissaient un doute sur la volonté de cohérence. Le résultat fait passer de la folie dangereuse à la déprime la plus abyssale. Un peu d'humour pince sans rire pendant les intermèdes, ou les asticotages des membres de Pilori au pistolet à fléchettes depuis le côté (une histoire de Normands et de Bretons…) détendirent un peu l'esprit plombé d'un set plus long que les précédents. À mesure, le chanteur se laissa choir par terre de plus en plus souvent, et nous touchâmes enfin à une fin abrupte, sans cérémonie, comme une petite mort au bout d'un froid désespoir. Au demeurant, je n'ai pas traîné moi non plus.


Les petits concerts pas chers où les fans d'extrême en ont largement pour leur argent, ça nous avait terriblement manqué aussi. Pourvu que ça dure !


lundi 15 novembre 2021

Déluge Dvne Areis Montpellier The Black Sheep 26 septembre 2021

La jouissive sensation de reprise après la grande soirée d'il y a quelques jours pouvait encore être approfondie, tant qu'il manquait encore les groupes étrangers. Avec le report de la tournée de Carcass et Behemoth, j'ai craint que pendant un long intermède encore il faudrait se contenter de groupes nationaux. Mais les Écossais de Dvne, eux, ont tenu leur agenda. C'est la même association, décidément très active, qui organise cette soirée d'un autre format – et qui devrait occuper un certain nombre de nos soirées cet automne si tout se passe bien. Cette fois, c'est dans la cave du bar "The Black Sheep" que nous retournons après un an et demi de pause, lieu de tant de petits concerts même du temps lointain où c'était un restaurant qui occupait le rez-de-chaussée. Ici aussi, on inaugurait le premier concert depuis un long moment et l'émotion déjà décrite était en partie encore présente. C'est sans doute pour cela qu'il y avait affluence, alors que c'était un peu plus cher et plus tôt que dans le monde d'avant.


Lorsque je descendais le jeune quartet Gardois AREIS venait d'entamer son set. Cela commençait comme du Black… avant d'explorer beaucoup d'autres choses, du Hardcore lourd au Sludge pesant en incluant quelques accélérations. En plus, il y avait un peu plus de riffs et de risques assumés que dans l'ancien groupe Death Mélodique de certains membres. Comme le suggère leur nom tiré de la langue d'oc, ils mettent en musique des faits divers jalonnant l'histoire régionale. Si le chant était potable, il y aurait des progrès à faire dans la communication en pensant par exemple à articuler les annonces dans le micro, mais ça viendra avec l'expérience. D'ailleurs le merch' autour du premier album qui vient de sortir, assez sérieux pour un nouveau groupe, exprimait une certaine ambition à terme. On y remarquait notamment un t-shirt vaguement BM avec la croix toulousaine, qui fera gémir les mythomanes prétendant à l'oreille des ignorants que leur Gard natal serait un ancien territoire provençal… Pour en revenir à la musique, dure mais assez variée, on en ressortit avec le sentiment peut-être commun mais pas toujours garanti d'une première partie digne d'encouragements, qui a au moins une personnalité sans compromis.


Il faut avouer que voir DVNE quand une nouvelle adaptation du roman de Frank Herbert est sur les grands écrans, c'est assez marrant. À dire vrai, ce groupe Écossais a un membre français. Après une mise en place minutieuse, ils ont attaqué en pleine puissance un mélange de Stoner et de Sludge épique au son propre et plein. On dirait du Kylesa ou du The Ocean (en mieux) réagencé en compos montant progressivement vers des fins exutoires, avec des moments à la guitare claire beaux et froids. L'éclairage nature monotone était dommageable dans cet univers, en plus d'être inconfortable pour notre compatriote à la neuf cordes dont le crâne rasé cuisait sous une lampe trop proche. Du reste, la touffeur typique de cette salle, qui nous avait manqué aussi, convenait bien. Le chant était partagé entre les guitaristes, l'un faisant le growl et le Français assurant des parties claires hélas restituées avec peine. C'était le point faible évident d'un ensemble pourtant très prenant en live. Les grandes acclamations de l'assistance le prouvaient. Si bien que les austères Écossais se lâchèrent un peu mieux, la claviériste sautant le bras en l'air sur un pont alors que le mix, comme dans les versions studios, la met un peu en retrait. N'empêche qu'on voyait les cinq musiciens atteindre ensemble ce point de complicité rêvé de tous les pratiquants, quand chacun tire sa force des autres note après note, entraînant le public avec eux.

Les compos étant assez allongées, le set le fut également. Tellement que le grand batteur n'avait plus de baguette valide en stock, et dût se précipiter aller en chercher en coulisse pendant un passage calme. Il faut dire que sa frappe est à l'avenant de la force dégagée par le répertoire très homogène du groupe. Sur l'ultime morceau, alors que nous avions passés l'heure de jeu, le petit bassiste barbu se jeta dans le pogo libérateur qui s'était enfin formé tel Gimli dans la bataille. En dépit d'une discographie encore modeste, la scène peut déjà compter avec Dvne.

L'enchaînement avec l'interlude meublé par du Post-Punk récent était assez étrange.


Les Messins de DÉLUGE attaquèrent ensuite à leur tour un set plus coloré, en bleu et blanc pour ce qui était des éclairages, et par un plan Black qui évolua rapidement vers des sonorités plus délicates alternées avec le retour de passages agressifs s'achevant dans des samples de bruits d'eau pour noyer l'ambiance entre les titres. La formule ne varia pas beaucoup, révélant assez vite une sensibilité de HardCore à fleur de peau, comme une sorte de Converge solennel et sans folie avec la part Emo d'autant plus en avant. Le chanteur, emphatique, n'est pas pour rien dans ce dernier trait. Le groupe avait son public qui réagissait bien à une attitude plus communicative de l'ensemble de tous les six musiciens, vêtus à l'unisson d'un noir sobre. Eux aussi montraient une certaine synergie, par exemple sur cette intro hurlée à trois sur le seul micro du chanteur avec le claviériste et l'un des guitaristes. Si on pouvait un peu se défouler sur les passages majoritaires sur guitare rythmique au chant criant son désespoir en français, je dois dire que les moments apaisés formés de quelques accords franchement basiques étaient tristement banals, surtout par rapport à la complexité du groupe précédent. L'impression donnée par l'ensemble était une douleur puissante mais peu offensive. Le set fut du reste plus court et se termina par un slam du chanteur dans l'étroit espace entre les têtes et les poutres pour une communion prolongée avec ses fans. 

Après qu'ils aient salué Toulouse par humour, l'horaire théorique étant grillé, la salle se remplit d'un tube connu de Gesaffelstein histoire de bien faire comprendre que c'était fini… le goût de la chute incongrue qui s'était ancré en ces lieux avant la pandémie n'aura pas disparu. Pendant qu'on souhaitait un bon anniversaire au chanteur, je quittais la salle basse sur cette impression mitigée quant à la tête d'affiche, même si force était de constater que le style vers lequel elle se dirige tout droit conserve des adeptes.


Il fallait néanmoins venir car nous avons aussi langui de ces petits concerts. Et puis mon programme ne va pas reprendre immédiatement (je ne pourrai pas aller au mini festival prévu en petite Camargue avec Loudblast). Dans le monde d'avant ce n'était guère important, mais dans celui de maintenant, un ressac d'épidémie est si vite arrivé !